Après un apprentissage de coiffeur-posticheur à Paris, le Saint-Quentinois Jules Leclabart se marie en 1890 et s'installe à Hirson pour y exercer ses talents. Mais comme les débuts de sa petite entreprise sont difficiles, il complète ses revenus en assurant la gérance d'un bureau de tabac.
Survient la Belle Époque où l'apparence tient une place majeure et où les femmes aiment porter des coiffures complexes qui exigent des postiches.
Jules Leclabart saisit cette opportunité pour coller à la mode. Aussi loue-t-il une maison au 7, rue de Lorraine pour y installer ses ateliers dont l'essor est patent. A la veille de la Première Guerre mondiale, la fabrique emploie une centaine de personnes. Le conflit stoppe l'entreprise, d'autant qu'Hirson est dévastée, tandis qu'André, l'un des fils de Jules est tué devant Verdun.
Son fils épouse la fille d'un marchand de cheveux
Après la signature de l'armistice, Jean, un autre fils, épouse Geneviève Patte, la fille du premier marchand de cheveux français. Installé à Beauvais, la famille du père de la jeune mariée exerce depuis 1817 !
Cette société doit son succès à ses traitements brevetés et en particulier son procédé de délentage. Après être passés à l'étuve, les cheveux sont trempés dans un bain de teinture à l'italienne qui a la particularité de colorer les œufs de lentes. Après avoir effectué un stage de deux ans chez son beau-père, Jean succède à son père décédé en 1921 et fixe de nouvelles orientations à ses ateliers. En dix ans, il impose son savoir-faire dans l'Europe entière et bientôt sur les cinq continents.
Aux traditionnels postiches enveloppeurs, il ajoute une série de créations aussi bien pour compléter des cheveux coupés que pour densifier des cheveux déjà longs. Sa productivité lui permet de baisser ses coûts de production et d'augmenter les salaires sans perdre de marchés.
Pendant quarante ans, les postiches de chez Leclabart sont les plus réputés. Jean développe alors d'autres concepts comme le frisage sur tête plus connu sous le nom de permanente. Il est aussi à l'origine de la production des premières pinces chauffantes sans fil. La Seconde Guerre mondiale interrompt une nouvelle fois l'activité.
Dans les années 50, les fils Jacques et André redynamisent l'activité et créent une nouvelle implantation. Ils vont connaître une vingtaine d'années de prospérité avant que la concurrence internationale, notamment japonaise, provoque en 1972 la chute de cette maison emblématique.
L'entreprise aura eu jusqu'à douze cents ouvrières dans ses différents ateliers et était une garantie pour l'emploi féminin thiérachien. En 1991, plusieurs anciennes ouvrières témoignent de leur tâche : « On travaillait aux pièces. Plus on en faisait, plus on était payé. Et c'est vrai qu'on touchait un bon salaire. Je me souviens avoir gagné en quinze jours le salaire mensuel de mon mari », rapporte alors Mme Duchesne. « Des bûcheuses, il y en avait. Le paiement à la tâche nous incitait à mettre le paquet. Il n'était pas rare que nous ramenions du travail à la maison », se remémore une implanteuse Mme Prique.
Les anciennes insistent encore sur toutes les commandes assurées pour le monde des arts, de la chanson et des spectacles : « Je me souviens avoir réalisé une grande natte pour Sheila », confie Mme Duchesne. Et d'ajouter : « La plupart des coiffeurs et médecins passaient par Leclabart. C'était un gage de sécurité et de qualité ».